Renaissance
Il n'avait plus qu'à attendre, la jeune femme finirait par revenir. Comment s'appelait-elle déjà ? Gabrielle, Michelle, il ne savait plus trop, mais ça lui importait peu. Bientôt, elle ne pourrait plus s'échapper. Lentement, il accentuait son emprise sur elle. Elle serait la première. La première d'une longue liste.
Il n'eut pas à patienter longtemps, sa victime arriva d'un pas traînant. Elle s'assit en face de lui. Il ne dit rien. Il avait déjà compris que ce n'était pas utile et surtout plus judicieux. Le monde n'était pas près à le voir sous cette forme et encore moins à admettre son degré d'intelligence. Sa tactique consistait à laisser sa victime faire ce qu'elle voulait. Il était à ses ordres, c'était l'impression qu'il leur donnait.
Lorsque les mains de sa proie commencèrent à courir sur lui, il sentit une sorte de frisson. Dans son existence précédente, il l'aurait trouvée jolie, si pas belle, mais maintenant, ça lui était égal. Elle aurait pu être une rescapée d'une galerie des horreurs ou un top model au faîte de la gloire, ça n'avait plus aucune espèce d'importance pour lui. L'une comme l'autre n'avaient d'intérêt que pour ce qu'elles pouvaient lui apporter.
Par l'intermédiaire de ses doigts qui allaient de plus en plus vite, pris d'une frénésie obsessionnelle, il ressentait toutes ses pensées, il apprenait tout d'elle. Elle ne se doutait pas de se livrer ainsi. Leur relation n'avait rien de sexuel, pourtant elle était pour lui jouissive. Il en retirait un plaisir pervers à l'idée de sa fin prochaine. Il se fit la réflexion qu'il n'y a pas si longtemps, il l'aurait prise, avant de la mettre à mort. Il eut un vague regret, nostalgie d'un souvenir car il se rappelait tout de ses vies précédentes. Sa nouvelle forme lui épargnait pourtant d'en ressentir de la peine. Trop différent, il avait du mal à appréhender ce qu'il était auparavant, à comprendre les sensations qu'il avait éprouvées.
Leur rencontre fut longue, plus que ne l'avait été les précédentes. Elle s'était retirée hébétée, plus trop consciente de son environnement. Elle ne sortait quasi plus. Souvent, elle passait devant lui, le regardant fixement avant de se reculer comme effrayée. Mais elle finissait toujours par revenir. Attirée, de plus en plus attirée, elle perdait sa personnalité. Elle ne tiendrait plus longtemps.
Réservée à l'extrême, elle ne recevait pas de visite et c'est pour cette raison qu'il l'avait choisie. Quelques courses, un livre emprunté à la bibliothèque étaient ses seules rencontres. Il avait donc peu de chance qu'un importun s'immisce dans ses projets.
A peine une demie-heure plus tard, elle revint déjà. Elle n'en pouvait plus, il lui en fallait encore. Elle y passa la nuit, se séparant de lui dans un état de confusion telle qu'elle tourna plusieurs fois en rond dans la pièce avant de prendre une direction un peu plus assurée. Elle s'enferma dans sa chambre. Il savait que le sommeil la fuirait, elle dormait de moins en moins. Elle serait bientôt de retour. Ce serait leur dernier rendez-vous.
Et elle s'accrocha de nouveau à lui. Elle insista, inconsciente des heures qui tournaient, de la faim ou de la fatigue qu'elle ne ressentait plus. Sa vie s'écoulait par ses doigts et lui la buvait avidement. Lorsqu'elle eut laissé échappé son dernier souffle, elle s'écroula. Il la regarda quelques secondes et détourna son attention. Elle n'avait déjà plus d'importance, une autre victime l'attendait.
Il remonta le long flux énergétique, visita quantité de maisons et jeta son dévolu sur un agoraphobe qui refusait tout contact avec le monde. Il s'installa dans l'ordinateur et commença le travail de sape.
Oh oui ! Cet homme étrange avait eu raison de lui proposer de fusionner avec cette nouvelle technologie. Dans sa dernière vie, il devenait de plus en plus dangereux de se procurer de la nourriture. Les hommes avaient trop évolué, ils ne le craignaient plus.
Maintenant, Dracul était de retour et le monde des mortels ne pouvait plus rien contre lui.